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Où sont les femmes? Les entreprises françaises hors-la-loi

Le 1er janvier, les conseils d’administration d’un grand nombre d’entreprises françaises devront compter au moins 40% de femmes. On en est encore loin. Certaines entreprises ne connaissent même pas la loi, ni les sanctions qu’elles encourent.

À moins de deux semaines de l’échéance, le compte n’y est pas. Le 1er janvier 2017, tous les conseils d’administration de toutes les entreprises cotées, et de plus d’un millier d’entreprises de taille intermédiaire non cotées devront compter au moins 40% de femmes dans leurs conseils d’administration. Elles n’y sont pas. Et elles ne mesurent même pas ce qu’elles risquent.

Reprenons dès le début. La loi Copé Zimmermann a été adoptée en 2011 pour féminiser les instances de gouvernance. Elle laissait cinq bonnes années à une partie des entreprises françaises pour instaurer la mixité dans leur conseil d’administration. À compter du 1er janvier, la part d’un des deux sexes ne peut plus être inférieure à 40%. Sont concernées, toutes les sociétés cotées de droit français (du CAC 40, du SBF 120 ou de tout autre marché régulé). Mais aussi les ETI de plus de 500 salariés, dont le chiffre d’affaires excède les 50 millions d’euros, dès lors qu’elles ont opté pour le statut de société anonyme (on en dénombre 400 à ce jour).

Le CAC 40 sous le seuil, les autres aux abois

Les grands groupes, comme ceux du CAC 40, connaissent ces règles et sont à peu près dans les clous. En septembre 2016, ils comptaient en moyenne 39% de femmes administratrices. Mais pour une douzaine d’entre eux, on est loin du ratio minimal, comme chez Accor, Carrefour, Crédit Agricole, Orange, Pernod Ricard, Renault et Safran.

Le déficit d’administratrices est encore plus profond dans les plus petites structures. Les sociétés cotées hors SBF 120 atteignent péniblement 24%. Et les entreprises qui ne sont pas cotées en bourse sont carrément à la ramasse. Elles ne comptent que 16% de femmes dans leur conseil. Le pire, c’est que certaines « découvrent encore à quelques semaines de l’échéance qu’elles doivent s’y conformer » souligne Lucille Desjonqueres, directrice d’un cabinet dédiée aux administratrices, Femmes au cœur des conseils.

« Elles croient s’en tirer avec une amende »

Quant à celles qui connaissent la loi, « elles croient souvent qu’elles n’auront qu’une amende à payer », déplore Lucille Desjonqueres. Or les sanctions prévues sont largement plus handicapantes. Les jetons de tous les administrateurs -leur paie en somme- seront gelés. Des revenus qui avoisinent 90.000 euros annuels pour un administrateur d’une société du CAC 40, et 60.000 euros pour celui qui siège dans une ETI. Par ailleurs, les administrateurs nommés en 2017 dans une société qui ne respecte pas le quota verront leur élection annulée.

En revanche, l’absence de parité n’entraînera pas la nullité des décisions prises par le conseil. Mais Lucille Desjonquères craint des difficultés dans les faits. Pas dans les grandes entreprises, où des commissaires aux comptes vérifient que toutes les procédures soient légales. Plutôt dans les petites, où seuls les administrateurs sauront si la mixité est respectée ou non. « Lorsqu’il y aura désaccord sur la stratégie, des indépendants pourraient menacer de dénoncer aux autorités la non-conformité à la loi, et ainsi faire geler les jetons de présence, ou remettre en cause la légitimité des nouveaux administrateurs », s’inquiète-t-elle.

Un vivier insuffisant, ou un entre-soi excluant?

Certaines sociétés ont trouvé la parade: réduire le nombre d’administrateurs, afin d’augmenter de manière purement statistique la part de femmes. Certaines optent même pour un contournement encore plus radical: passer sous la barre des huit administrateurs, seuil en-deçà duquel aucune parité ne s’impose. Mais pourquoi n’embauchent-elles pas tout simplement plus de femmes administratrices? L’AMF, dans son rapport 2016 sur la gouvernance des entreprises, avance cette explication: « Le vivier d’administratrices potentielles serait insuffisant ».

Cette affirmation fait bondir Lucille Desjonqueres. Chez Femmes au cœur des conseils, elle revendique 1.000 CV, des « profils exceptionnels, de patronnes de filiales aux parcours internationaux ». D’un autre côté, elle reçoit « zéro appel entrant de la part de patrons. Nous sommes obligées d’aller les démarcher ». Pourtant à l’écouter, quand ils acceptent de rencontrer ses pouliches, « des écailles leur tombent des yeux ». « Je voudrais toutes les prendre », s’enthousiasme Gui Mamou-Mani, qui préside Open Group et vient de recruter une administratrice issue de son sérail: Jessica Delpirou, actuelle DG de Meetic.

Le plus dur à trouver, c’est le premier

Cette légende du vivier trop étroit agace aussi Nadine Pichelot. Depuis un an, l’argentière européenne de la start-up Anaplan, passée par Société Générale et Cisco, mais aussi Apple et Dell, recherche activement un mandat d’administratrice. Elle a obtenu son diplôme auprès de l’IFA, l’école des administrateurs. Plusieurs heures par semaine, elle travaille à identifier des sociétés susceptibles d’être intéressées par son profil, à s’enquérir de la date à laquelle seront renouvelés les mandats. Elle parcourt les déjeuners et les soirées du gratin des affaires. « Tout passe par le réseau, ça ne marche que comme ça », explique-t-elle. C’est un peu comme quand on sort de l’école et qu’on cherche un emploi, « le plus dur, c’est de trouver le premier ».

C’est ainsi que 30% des femmes nommées en 2016 sont des « cumulardes ». À des niveaux encore plus élevés que leurs collègues masculins. Au classement Proxinvest des administrateurs qui ont touché le plus de jetons de présence en 2016, la première place est occupée par l’une d’elles. Patricia Barbizet, bras droit de François-Henri Pinault, siège au conseil de Kering évidemment, mais aussi à ceux de Fnac, Total et Peugeot. Clara Gaymard, ex-patronne de General Electric France, devrait faire une entrée fracassante dans ce top en 2017: elle vient d’être nommée chez LVMH, Danone et Bouygues, et conserve son mandat chez Veolia.

Paradoxalement, le succès de ces têtes d’affiche n’enchante pas forcément leurs autres femmes susceptibles de les rejoindre au saint des saints. Une candidate affirme ainsi que « les cumulardes se comportent comme des mecs, elles font des beaux discours, mais ne mettent pas en relation les femmes autour d’elles avec des entreprises ». Partricia Barbizet et Clara Gaymard, en ce qui les concernent, devront désormais en laisser un peu à leurs consoeurs: la loi interdit de cumuler plus de cinq mandats d’administrateur.

source : http://bfmbusiness.bfmtv.com/entreprise/ou-sont-les-femmes-les-entreprises-francaises-hors-la-loi-1068409.html

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